L’idée d’utiliser un réseau de diffraction pour l’étude du phénomène Ovni n’est pas récente. Dans cet article nous allons nous pencher sur quelques point chronologiques marquants, liés à cette technique observationnelle.
C’est dans les archives du projet Bluebook que l’idée d’associer les réseaux de diffraction aux appareils de prise de vue apparaît pour la première fois. L’initiative en revient au Dr Joseph Kaplan, professeur de physique à l’Université de Californie, Berkeley. Les microfilms originaux sont consultables sur le site http://www.bluebookarchive.org.
Tout semble commencer le 7 mars 1952 (NARA-PBB85-613).
Le Dr Joseph Kaplan, Professeur de Physique et membre du Conseil Scientifique de l’Air Force, se rend l’A.T.I.C (Air Technical Intelligence Center) afin de proposer une méthode pour obtenir plus d’informations factuelles dans les rapports d’observation d’ovni. Une des suggestions du Dr Kaplan est d’utiliser le spectre lumineux pour l’analyse et l’identification des objets. Tout objet émettant de la lumière possède un spectre particulier. La première étape dans ce raisonnement est donc l’obtention d’un spectre. Celui-ci est ensuite comparé avec ceux d’objets connus comme les météorites, les étoiles, etc… Si les objets ne sont pas des corps astronomiques, le spectre pourra donner plus d’indications sur leur nature.
”… it is a quick, economical means of obtaining more concrete information than now exists and is considered a first step in the investigation.”
Pour obtenir le spectre d’un objet, deux méthodes furent envisagées à l’époque :
La première est l’utilisation d’un réseau de diffraction comparatif (20cm x 20cm). L’observateur scrute l’objet à travers le réseau et note le spectre observé. Cet enregistrement est alors envoyé à un expert pour analyse. La seconde méthode est l’utilisation d’un appareil photo, équipé d’un réseau de diffraction monté sur l’objectif. Avec cette méthode, un enregistrement définitif de l’observation pouvait être obtenu.
“With this method a permanent record of the observation would be obtained.”
Un prototype a été présenté par le Dr Kaplan le 2 avril 1952 (NARA-PBB85-630). Il utilisa un banc de laboratoire pour montrer le fonctionnement d’un réseau de diffraction. Bien que ces réseaux ne soient pas d’une grande qualité, ils l’étaient assez pour le résultat escompté. Des tests furent menés pour déterminer comment une lentille de faible coût pouvait être utilisée en faible luminosité. Des réseaux exploitables ont été réalisés, avec la possibilité de les reproduire pour un coût de 15 à 20 $ pièce.
“Suitable gratings have been mound and it is believed that they can be reproduced for from $15 to $20 each” .
Une réunion avec des chercheurs de chez Rand, Inc. a suivi le 4 avril 1952 (NARA-PBB85-630). Bien que Rand, Inc. ne soit pas associée au projet de quelque façon, certains scientifiques étaient personnellement intéressés, et suivaient l’avancée de ce projet. A l’issu de cette réunion, plusieurs choses ont été proposées, dont l’utilisation d’un appareil photo équipé d’un réseau de diffraction…
Tout le groupe a conclu que c’était un moyen peu onéreux d’obtenir des données factuelles.
Suite à ces recommandations, et afin d’obtenir des informations techniques sur les ovnis, l’A.T.I.C lança un programme de distribution d’un grand nombre d’appareil photo équipé d’un réseau de diffraction sur l’un des objectifs (NARA-PBB85-682). L’appareil photo en question est appelé “Videon“. Il est équipé de deux objectifs de F3.5 et 45mm de focale. A la demande de l’A.T.I.C, la vitesse d’obturation fut bloquée au 1/20ème de seconde et la netteté sur l’infini. Le “Videon” utilise du film 35mm et est extrêmement simple d’utilisation. Ce réseau de diffraction est constitué d’un composé mince de cellulose contenant 15000 fibres par pouce (590 lignes/mm). Il est pris en sandwich entre deux plaques de verre optique et fixé sur l’un des objectifs par une sorte de bague.
Simultanément à ces expérimentations au sol, l’A.T.I.C fit installer des réseaux de diffraction sur des cameras 16mm de F-86 du 97th escadron des intercepteurs. Il fut évident d’utiliser des réseaux de diffraction sur des intercepteurs dans le cas d’une rencontre AIR-AIR.
Une distribution des appareils Videon à du personnel spécifique, voir aux civils, fut également envisagé (NARA-PBB86-52).
En juin 1953, 73 appareils furent distribués aux Stations Radars et Tours de contrôle, mais sans réseau de diffraction. La volonté d’obtenir des spectres était toujours présente, mais il s’est avéré que les clichés d’ovni réalisés étaient trop petits pour être exploitables.
Les encouragements à utiliser quand même ce système permit de sensibiliser le personnel à l’utilisation dans des conditions lumineuses différentes (MAXW-PBB1-857).
Les réseaux devaient être livrés avant fin novembre 1953.
Dans “Le Rapport sur les Objets Volants Non Identifiés” par Edward J. Ruppelt*, il est indiqué que celui-ci, ainsi que le colonel DonBower, ont apporté l’idée d’utiliser ce système sur la cote-ouest des États-Unis. « Les appareils-photos seraient placés à divers endroits sur l’ensemble des États-Unis, là où des ovnis étaient le plus fréquemment vus. Nous avons espéré que les photos prises avec les réseaux de diffraction nous apporteraient une certaine preuve dans un sens ou dans l’autre ». « Les réseaux de diffraction que nous avons projeté d’employer sur les objectifs des appareils photographiques avaient un fonctionnement similaire aux prismes; ils fractionneraient la lumière de l’ovni dans ses composantes de sorte que nous puissions l’étudier et déterminer si c’était un météore, un avion, ou la lumière du soleil se reflétant sur un ballon, etc… ou montrer que l’ovni photographié était un engin complètement étranger à nos connaissances ». « Une priorité rouge de grande urgence, A-1, a été donnée au projet d’appareils photo, et une section de l’A.T.I.C, qui avait développé des équipements spéciaux, a eu pour mission d’obtenir les appareils photo, ou au besoin, de les concevoir et de les construire ».
En janvier 1953, la revue “Popular science” contenait un bien étrange article intitulé “How to expose Flying Saucers” – “Comment démasquer les soucoupes volantes”. Cet article de 3 pages décrit comment réaliser ce fameux appareil “Videon” équipé de son réseau de diffraction. Les lecteurs étaient invités à participer à une étude de l’Air Force, consistant à prendre en photo des ovnis au travers d’un réseau de diffraction qui révélerait la composition chimique de la source lumineuse (sic).
Le 1 décembre 1953, l’US Air Force annonce a Washington qu’elle a mis au point un système de camera équipées avec de réseaux de diffraction, dans le but d’analyser la nature des lumières des Ovnis. (http://www.nicap.org). Il existe, associées aux documents papier du projet Bluebook, des diapositives montrant les appareils Videon et leur fonctionnement (Slide 43 – Videon camera -Slide 4-% – Test photo)
Que s’est-il passé ensuite ?
Des documents laissent supposer que des clichés ont été pris, mais il n’y a aucune trace de ceux-ci. (MAXW-PBB7-1657 Photos taken by two stations on Videon Camera).
Nous retrouvons la piste de nos réseaux de diffraction dans le rapport Condon, officiellement intitulé “L’étude scientifique des Objets Volants Non Identifiés” publié en 1968
“A standard field kit enabled the team to take 35mm photographs and 8mm motion pictures, check the spectrum of a light source, measure radioactivity, check magnetic characteristics, collect samples, measure distances and angles, and to tape record interviews and sounds (see inventory list, Appendix K). “
Aucune mention de cliché depuis 1953, mais encore une fois, l’intérêt des réseaux de diffraction est démontré. En mai 1977, avec la création du Groupement d’Études des Phénomènes Spatiaux Non-identifiés (GEPAN), sous la direction de Claude Poher, les réseaux de diffraction, appelés ici bonnettes à réseaux, refont surface. Celui-ci ayant eu connaissance du rapport Condon (Analyse photographique (note n° 43) – document GEIPAN), et ayant en 1976 participé à la 1ère conférence technique du CUFOS (Center for UFO Studies), a vu immédiatement l’utilité du système.
“Dès 1976, Claude POHER se mettait en rapport avec la Société JOBIN- YVON pour mettre au point une solution, et en 1979, le GEPAN enregistrait une première commande importante pour la Gendarmerie Nationale; le réseau proposé ayant satisfait les conditions requises en qualité optique.” (NOTE TECHNIQUE N° 18- document GEIPAN)
Ce réseau de diffraction avait les caractéristiques suivantes :
- Matière : résine de makrolon de 0,3 mm d’épaisseur, pressée à 100 kg/cm2.
- Format : carré de 23 mm de côté, sur un disque du diamètre d’un filtre d’appareil photographique.
- Transmission : 85 % dans tout le spectre visible.
- Densité de traits : 300 traits/mm.
- Angle de blaze: 17° 27’, avec maximum d’efficacité à 6100 Å.
Toutes les brigades de la Gendarmerie Nationale étant équipée avec le même type d’appareil photo, elles purent disposer d’un réseau adaptable à leur appareil standard, avec des instructions pour l’utiliser au cas où un PAN leur serait signalé.
Il s’agit d’un MINOLTA HI-MATIC 24 x 36, sans visée Reflex, avec un objectif ROKKOR 38 mm, une ouverture à f 1/2,7 et une pose automatique d’une durée maximale de 4 secondes.
Dans une interview de Claude Poher sur la Radio Ici & Maintenant, (http://rimarchives.free.fr/poher.htm), on apprend qu’il envisageait d’équiper les 30 000 gendarmeries, mais que le budget ne permettait pas de produire autant de bonnettes. Un petit nombre de bonnettes fut donc fabriqué par la société Jobin & Yvon, qui lui en fit cadeau. Il était prévu qu’une autre entreprise fasse une reproduction sur matière plastique meilleur marché. Dans ce projet, la Société Jobin & Yvon était associée à un autre industriel devant réaliser la partie mécanique de la bonnette (à noter que le directeur des Études et Recherche de la société Creusot-Loire et président de la commission de Mécanique de la Délégation Générale Scientifique et Technique (DGRST), n’était autre que Gilbert Payan, collaborateur du GEPAN qui a la même période était aussi le PDG de Instrument SA, groupe créé en 1974 autour de Jobin&Yvon).
Claude Poher quitte le GEPAN en décembre 1978, avant la commande de 1979. Le rapport Louange en 1982 (Analyse photographique – Document Geipan) traite de l’analyse des spectres issus de ce système. On peut se poser la question de savoir si les Gendarmes sont les bonnes personnes pour prendre en photo un spectre. Leur intervention a lieue généralement à postériori d’une observation, pour une prise de témoignage, et non sur le vif.
“Trente ans plus tard le bilan est simple : aucun gendarme ne se trouva en situation d’adapter une bonnette sur son appareil de prise de vue. Aucun cliché ne parvint au Gepan pour analyse. Nul ne sait ce que sont devenues ces bonnettes et leur éventuel mode d’emploi, dans les gendarmeries de France.” (JP Petit).
D’après les témoignages de Gendarmes qui nous sont parvenus, l’avènement du tout numérique ayant signé la fin de l’utilisation d’appareils photo argentique simple au sein des brigades, il est fort probable que ces filtres aient perdus toute utilité, et il s’avère difficile de savoir s’ils ont tout de même été conservés.
Le rapport COMETA indique dans un paragraphe que “des travaux sur le traitement d’images ont été conduits entre 1981 et 1988 au sein de l’ECTA. Ils ont permis de définir les techniques et les procédures, reprises dans la note technique n°18 du GEPAN, pour l’étude des photographies présumées d’ovni. Des filtres de diffraction ont été mis en place dans les gendarmeries, pour permettre le recueil d’informations sur le spectre lumineux émis.”
M. Yves Sillard, Président du comité de pilotage du Geipan, a répondu dans une interview accordée à la revue Science et Inexpliqué (n° 7, de janvier-février 2009) :
« La possibilité de distribuer des bonnettes spectroscopiques à certaines catégories de population amenées à observer régulièrement le ciel, comme par exemple les astronomes amateurs, a récemment été rediscutée dans le cadre du comité de pilotage du Geipan. »
Il est intéressant de constater que 30 ans après, le Geipan a dans son rapport d’activité 2006-2007 définit comme une des actions à venir « d’étudier les possibilités de redémarrage du projet de filtre à diffraction ».
Les mentalités et les techniques évoluent. Les réseaux de diffraction sont utilisés dans certaines campagnes d‘analyse scientifique sur les Ovnis. En voici quelques exemples :
1984, Hessdalen en Norvège.
Les appareils photo utilisent un film 35mm Kodak TRI-X noir et blanc et une bonne sensibilité jusqu’à 630nm. Chaque appareil est équipé d’un objectif de 50mm et le réseau de diffraction comporte 300 lignes/mm.
2007, Hessdalen toujours.
Sur le continent américain, le 7 février 1992 en Floride, un spectre d’un objet non identifié a été obtenu à l’aide d’un réseau de diffraction (207 lignes/mm) et d’un appareil photo 35mm.
Le Dr Bruce Maccabee* rapporte sur son site (http://www.brumac.8k.com/) qu’un dénommé Ed Walters a pris un spectre à l’aide de son appareil photo.
Aujourd’hui en France ?
En 2007, l’association UFO-Science est créée, sous la présidence de JP Petit. JP Petit reçut aussitôt un courrier d’un lecteur lui expliquant que dans le cadre de sa thèse, un réseau de diffraction de 140 traits/mm avait été utilisé, maintenu à la main devant l’objectif de son appareil photo. La distribution auprès du grand public devient alors évidente, simple et peu couteuse. Une campagne de communication est alors lancée sur des radios nationales et locales (France Inter, SudRadio, Raje…) mais aussi sur DailyMotion, l’accès aux médias institutionnels étant extrêmement limité.
Début 2008, quelques membres de l’association prennent l’initiative d’aller à la rencontre des navigateurs effectuant la grande “Traversée La Rochelle – Québec”, pour expliquer l’intérêt de ces petits équipements, avec succès. Quelques bonnettes embarquèrent sur les navires, et pour l’occasion un prototype de flyer imperméable fut fabriqué, incluant un résumé du protocole de prise de cliché de spectre.
Aout 2008, un premiers livre écrit par JP Petit est tiré à 1000 exemplaires, « Les aventuriers de la recherche ». L’occasion d’offrir pour chaque exemplaire un réseau de diffraction sous forme de diapositive, ainsi qu’un flyer.
Jusqu’à début 2009, ces dispositifs à réseau de diffraction avaient été testés sur des sources diverses telles que des lampadaires à sodium. Jean-Christophe Doré eue alors eu l’idée de tester la prise de vue d’une source lumineuse en altitude, de nuit sur le terrain d’un aéroclub, plus proche des conditions réelles. Pour ce faire un montage très simple avait été imaginé : une lampe fluocompacte attachée à des ballons gonflés à l’hélium.
L’enregistrement des spectres s’est correctement déroulé, par le biais de plusieurs modèles de caméras et d’appareils photos.
Aujourd’hui UFO-Science communique et diffuse des réseaux de diffraction sous plusieurs formes. Le but étant d’attirer l’attention du public sur l’importance qu’il y aurait de voir les possesseurs d’appareils de photos, y compris numériques, ainsi que ceux qui équipent les téléphones portables, se doter d’un accessoire valant quelques euros, voir moins d’un euros pour certains modèles disponibles sur Internet. L’astuce réside dans un achat de masse, qui permet de réduire le coût unitaire.
- Société d’optique Jeulin : http://www.jeulin.fr/
- Société Pierron : http://www.pierron.fr/
- Rainbow symphony (achat en nombre) : http://store.rainbowsymphonystore.com/difgratslida.html
La technologie des capteurs, en perpétuelle évolution, permet une plus grande finesse et un détail dans les spectres obtenus sans commune mesure avec les films argentiques.
Différents modèle de bonnettes furent étudiés et diffusés pour adapter les réseaux de diffraction aux appareils photos modernes, ainsi qu’aux téléphones portables.
A ce jour, des milliers de réseaux de diffraction ont été dispersés à travers plus de 25 pays, répartis pour l’instant en grande majorité sur le territoire Français.
La quantité de bonnettes en circulation augmentera, c’est certains. Il ne reste plus qu’à se poser une question :
A quand le premier spectre d’Ovni ?